« POLYCHROMIES », UNE EXPO SIGNÉE YVES GUSELLA A LA GALERIE ARTE SOUS LA POUSSIÈRE DU QUOTIDIEN
Théodora SY SAMBOU | 19/03/2016 | 11H11 GMT
C’est une très touchante exposition qui a trouvé refuge à la galerie Arte, et elle y sera encore jusqu’au 9 avril prochain. Intitulée « Polychromies », l’expo, qui porte l’empreinte du peintre Yves Gusella, franco-italien d’origine, et «sénégalais d’adoption», s’inspire de nos scènes de vie de tous les jours, la lutte, nos pirogues bariolées, Guet-Ndar au crépuscule, qu’il sublime et dépoussière, sous la routine du quotidien. L’artiste, qui peint au couteau, une technique qui l’affranchit de certains détails comme il dit, cherche surtout à nous émouvoir. En plus de vouloir jouer avec nos imaginaires…
S’il faut chercher le charme toujours très subtil de ces dizaines de toiles signées Yves Gusella, du nom de ce peintre d’origine franco-italienne qui hante jusqu’au 9 avril prochain les murs de la galerie Arte, peut-être le trouvera-t- on dans cette façon qu’il a de ne jamais rien vous imposer, pas même l’oblique d’un regard plus ou moins soupçonneux qui s’amuserait à débusquer ses personnages et autres paysages toujours très colorés, même cachés sous une épaisse couche brumeuse qui viendrait faire diversion.
Mais ce n’est pas comme si l’on s’amusait à nous perdre ou à nous embrumer. Car derrière le côté faussement flou de ces «Polychromies», intitulé de cette exposition, Yves Gusella cherche surtout à nous émouvoir comme il dit : une séance de lutte sur le papier, une de ces balades crépusculaires à Guet-Ndar, les pêcheurs de Guet-Ndar eux-mêmes, une dizaine de pirogues bariolées, souvenirs de son dernier séjour à Saint-Louis, qu’il compare d’ailleurs à Venise en Italie, aussi «chargée d’Histoire» l’une que l’autre. Car au-delà de «leurs belles demeures» dit-il, et de leur «passé glorieux», Venise passerait pour «une ville endormie», tandis qu’ «il ne se passe plus grand-chose à Saint-Louis», dès que l’on quitte Guet-Ndar.
SENEGALAIS D’ADOPTION
«Sénégalais d’adoption», l’artiste, qui s’inspire énormément de nos scènes de vie de tous les jours, qu’il dompte à sa guise ou qu’il sublime, nous réconcilie même avec elles, cachées qu’elles sont parfois sous la poussière, pour ne pas dire sous la banalité d’un routinier quotidien qui les rendrait invisibles pour ne pas dire transparentes. Mais sans forcer le trait, toujours avec retenue et sobriété, sans effraction ni voyeurisme ; sous le voile d’une certaine pudeur, qui traiterait les personnages avec respect, avec délicatesse, en plus de nous les rendre à la fois proches, touchants, et presque intimes.
Et au-delà du trait, libre à vous de greffer quelque récit sur la toile, de ne pas brider vos élans et de jouer avec l’infini, quand on sait que même la technique vous y autorise quand elle ne vous y encourage tout simplement pas. Dans ce qu’en dit la petite note qui accompagne l’exposition, Yves Gusella travaille à la peinture à l’huile, «appliquée par aplats, sans épaisseur». L’artiste, qui dit avoir commencé par peindre au pinceau, a ensuite décidé de peindre au couteau, aussi bien pour s’«affranchir de certains détails, que pour pouvoir donner de l’ «émotion». Mais même au couteau, rien de tranché sur ses toiles, toujours entre l’esquisse et quelque chose de délicatement suggéré, en plus de ces personnages qui se contentent parfois de n’être que quelques ombres furtives faites de lointains cubes de couleur empilés, qui passeraient presque pour des taches de peinture capricieuses.
Yves Gusella, c’est encore ce monsieur au parcours atypique, qui après avoir fait carrière en Europe, réalisera ce qui n’était encore qu’un «rêve d’enfant». A 50 ans, le voilà qui entre aux Beaux-Arts de Grenoble, où commence sa «carrière artistique». Installé au Sénégal «depuis une dizaine d’années», l’artiste enseigne les «arts plastiques dans une école publique».